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> Accueil > Dossiers thématiques > Santé et précarité > Historique de la prise en charge des troubles mentaux > Le XIXe siècle, la loi de 1838 et l’« aliéniste »
[17 novembre 2009] La psychiatrie devient une discipline médicale à part entière, permettant au malade mental d’être dorénavant pris en charge par un vrai spécialiste, son traitement s’appuyant sur la psychanalyse et l’inconscience du sujet.
Le 30 juin 1838, une loi sur les aliénés est promulguée, son article premier énonce « chaque département est tenu d’avoir un établissement public, spécialement destiné à recevoir et soigner les aliénés, ou de traiter, à cet effet, avec un établissement public ou privé, soit de ce département, soit d’un autre département » (Al. 1er). Son article 5 énonce dans la même idée : « les établissements privés consacrés au traitement d’autres maladies ne pourront recevoir les personnes atteintes d’aliénation mentale, à moins qu’elles ne soient placées dans un local entièrement séparé » (Al. 2). On peut également y lire que les chefs de ces établissements d’aliénés, des « asiles », ne peuvent recevoir une personne atteinte d’aliénation mentale que s’il leur est remis une demande d’admission, un certificat de médecin constatant l’état mental de la personne à placer, et indiquant les particularités de sa maladie et la nécessité de faire traiter la personne désignée dans un établissement d’aliénés, et de l’y tenir renfermée (Art. 8).
On peut d’ores et déjà noter que l’article 13 évoquait un certain « rétablissement » du malade mental puisqu’il énonçait « toute personne placée dans un établissement d’aliénés cessera d’y être retenue aussitôt que les médecins de l’établissement auront déclaré, sur le registre énoncé en l’article précédent, que la guérison est obtenue ».
Pour résumer, cette loi, inspirée par Jean-Etienne Esquirol, obligeait chaque département à faire construire son asile et définissait les modalités d’internement. Il faut noter que les médecins pouvaient dès lors priver les aliénés de liberté (prérogatives qui ne relèvent plus du pouvoir judiciaire). « L’aliéniste dans son asile apparaît donc comme un personnage qui cumule des fonctions d’administrateur, de juge, d’expert, de thérapeute et de savant ». [1]
Dès la fin du XIXe siècle la psychiatrie prend donc une autre dimension, nombre de théories pour décrire la maladie mentale sont formulées, sur la paranoïa, la démence, la dégénérescence, la névrose, l’hystérie... Dès 1860, on met en place la clinique de la schizophrénie. En effet, c’est l’époque du développement de la psychanalyse. La « psychiatrie » devient une spécialité médicale et des moyens lui sont donnés, permettant d’envisager les pathologies auxquelles elle se rapporte sous l’angle de la thérapie.
Les initiateurs de ce mouvement sont Jean-Martin Charcot et Sigmund Freud. Le premier était adepte de l’hypnose pour soigner les crises de démence. Le second s’appuiera sur les travaux du premier pour ses propres travaux sur l’hystérie, l’hypnose et le concept de psychogénèse.
Rappelons pour finir que Sigmund Freud donnait une place très importante à l’inconscient ainsi qu’« aux événements traumatiques appartenant à l’histoire précoce du patient ».
Jean-Martin Charcot - Neurologue français, né et mort à Paris (1825-1893). Sa carrière médicale est brillante : dès 1848, il est nominé interne des hôpitaux puis, dix ans plus tard, médecin des hôpitaux. Il est agrégé de médecine en 1860 et professeur d’anatomopathologie en 1872, année au cours de laquelle la chaire de clinique des maladies nerveuses, à l’hôpital parisien de la Salpêtrière, est créée pour lui. En 1870, il prend la direction d’un service fait de deux pavillons, l’un de malades dits épileptiques, l’autre de malades hystériques. Il réalise de nombreux travaux sur l’hypnotisme, la catalepsie et le somnambulisme. Mais, surtout, il isole le syndrome hystérique qu’il distingue, tout en critiquant le terme, de ce qu’il appelle l’« hystéro-épilepsie ». Il cherche constamment à faire le lien entre des affections psychiatriques et des atteintes neurologiques. Il montre l’importance de la suggestion et de l’autosuggestion chez les malades hystériques. Peu avant sa mort brutale, il parle de « la foi qui guérit ». Cependant, il recherche sans cesse les signes d’une « hérédité morbide » chez tous les malades mentaux. Grand enseignant et grand clinicien, il est un modèle et un inspirateur import de la psychiatrie française, incarnant en quelque sorte la tension entre les approches neurologiques et localisatrices, et les approches psychologiques et psychodynamiques. Rappelons que Sigmund Freud fit un stage dans son service et s’inspira de ses recherches sur l’hystérie pour élaborer la psychanalyse. [2]
Sigmund Freud - Médecin et psychanalyste autrichien, né à Pribor en 1856, mort à Londres en 1939. Il est le découvreur de l’inconscient et le fondateur de la théorie psychanalytique. Apres un début de carrière comme chercheur et neuropsychiatre (travaux sur l’aphasie et sur la cocaïne en particulier), il fait un stage à Paris, dans le service de Jean-Martin Charcot, puis il va à Nancy pour rencontrer Hippolyte Bernheim. Il écrit, avec Joseph Breuer, un livre sur l’hystérie dans lequel il rompt avec l’organicisme ambiant et propose une forme de traitement par la parole (talking cure, selon l’expression employée par l’une de ses patientes). Il montre alors l’importance de la sexualité, particulièrement infantile, dans le développement et les dysfonctionnements du psychisme humain. En 1900, L’interprétation des rêves marque le changement de registre : Freud présuppose un appareil virtuel, un appareil à penser, l’inconscient, qui produit rêves et pensées, lesquels accèdent à la conscience à travers divers filtres plus ou moins déformants. Au-delà du contenu manifeste du rêve, comme du discours, il convient d’en déchiffrer le sens inconscient qui est, en fait, le sens moteur. [3]
[1] Histoire de la psychologie en France, J. CARROY, A. OHAYON et R. PLAS, Grands repères, La Découverte, 2006, p. 21.
[2] Dictionnaire critique des termes de psychiatrie et de santé mentale, S-D. KIPMAN (sous la direction de), Doin, 2005.
[3] ibid