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Exclusion sociale

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[19 septembre 2014]

L’expression « exclusion sociale » trouve son origine dans l’ouvrage de René Lenoir, Les Exclus, paru en 1974.

Dans les années 1960-1970, c’est un concept qui n’existe pas : on parle simplement de « retrait social » qui désigne une pauvreté essentiellement économique, en voie de disparition du fait de la croissance économique et des institutions de protection sociale. Depuis, la pauvreté est analysée de façon multidimensionnelle et l’exclusion sociale est mieux prise en compte.

Le concept d’exclusion sociale dépasse celui de pauvreté puisqu’il correspond à la non-réalisation des droits sociaux de base garantis par la loi.

Pour le sociologue Robert Castel, dans son article « Cadrer l’exclusion » [1], « les exclus sont à l’aboutissement de trajectoires, et de trajectoires différentes. Il ne s’agit plus d’une pauvreté qu’on pourrait qualifier d’intemporelle ou de résiduelle, mais d’une pauvreté qui apparaît à la suite d’une dégradation par rapport à une situation antérieure. »

Robert Castel propose le terme de « désaffiliation » pour désigner « des trajectoires, des processus, des gens qui décrochent et basculent ». Ce basculement s’effectue, de manière schématique, entre différentes zones. Ainsi, Robert Castel distingue trois zones de la vie sociale :

• une « zone d’intégration », dont font partie en général des personnes ayant un travail régulier et des supports de sociabilité suffisamment fermes ;

• une « zone de vulnérabilité », regroupant les personnes ayant un travail précaire et des situations relationnelles instables ;

• une « zone d’exclusion », dans laquelle certains des vulnérables, et même des intégrés basculent.

En insistant sur le caractère dynamique de l’exclusion, Robert Castel met en lumière l’intérêt de mener des politiques préventives pour éviter que les personnes ne basculent dans ces situations d’exclusion.

Mieux comprendre la notion d’exclusion à travers le prisme du droit est la méthode employée par Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République en 2007, qui parle d’« exclusion du droit » : « Face à la multiplication et à la complexification des normes, se développent des comportements opposés porteurs d’un nouveau clivage social. Alors que certains individus, parfaitement informés, adoptent une stratégie de "consommateurs" de services publics et de droits, on assiste à un phénomène croissant de "non-recours" de la part de personnes éligibles qui ne sollicitent pas les prestations auxquelles elles pourraient prétendre. (…) Les populations touchées par la pauvreté et l’exclusion apparaissent saisies par un droit qui ne leur est pas accessible. Le mythe d’une égalité dont la loi, à elle seule, serait une garantie suffisante, doit être dépassé. Redonner tout son sens à ce principe fondateur de notre pacte républicain passe de plus en plus par l’accès au droit. »

La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, en son article 1, « tend à garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance. »

Un exclu est-il encore un citoyen ?



« Juridiquement, un citoyen français jouit de droits civils et politiques et s’acquitte d’obligations envers la société. Le citoyen détient donc une qualité particulière qui lui permet de prendre part à la vie publique. Le citoyen possède différents types de droits :

- des droits civils et des libertés essentielles : droit de se marier, d’être propriétaire ; droit à la sûreté, à l’égalité devant la loi, devant la justice et dans l’accès aux emplois publics ; liberté de pensée, d’opinion et d’expression, de religion, de circulation, de réunion, d’association ou de manifestation ;

- des droits politiques : droit de voter, de se présenter à une élection, droit de concourir à la formation de la loi par la voie des représentants (députés) qu’il élit (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789) ;

- des droits sociaux : droit au travail, droit de grève, droit à l’éducation, à la Sécurité sociale.

Le citoyen doit aussi remplir des obligations : respecter les lois, participer à la dépense publique en payant ses impôts, participer à la défense du pays (…)

Seuls les droits politiques sont spécifiquement liés à la citoyenneté française. En effet, un étranger bénéficie des autres droits et libertés fondamentaux, comme les droits sociaux, et doit s’acquitter aussi d’obligations. (…) »

Citoyenneté et exclusion



« Un exclu est toujours un citoyen au sens juridique du terme, puisque toute personne majeure ayant la nationalité française est un citoyen français. (…) C’est [en effet] la citoyenneté sociale, liée au développement de l’État-providence, qui est remise en cause par le développement de la pauvreté et des différentes formes d’exclusion. Les démocraties sont fondées sur l’égalité de tous les citoyens, mais l’affirmation des principes républicains qui confèrent des droits semble en contradiction avec l’application concrète de ces droits. Ainsi, le droit d’obtenir un emploi, affirmé par le préambule de la constitution de 1946, paraît difficile à mettre en œuvre en période de crise économique et de chômage.

Les personnes qui connaissent la pauvreté, qui sont au chômage et exclues de la sphère d’intégration que constitue le travail peuvent-elles et sont-elles considérées par les autres comme de véritables citoyens ? L’égalité politique et juridique ne suffit pas à fonder le lien social. L’action de l’État-providence en faveur de la réduction des inégalités sociales doit alors être envisagée comme une condition et une conséquence de l’affirmation de l’égalité des citoyens et de l’exercice concret de la citoyenneté. » [2]

Notes

[1in L’Exclusion, définir pour en finir, sous la direction de Saül Karsz, 2004